Identifier les causes du crétinisme : enquêtes et études étiologiques sur un mal endémique (France, XIXe siècle)

L’expression « crétin des Alpes » pourrait prêter à sourire, si elle ne recouvrait pas une autre réalité :  celles des individus atteints de crétinisme. Face à la découverte de ces êtres « dégénérés », les observateurs sociaux et médicaux du XIXe siècle cherchent dans les montagnes les effets de l’environnement sur l’apparition de ces maux.

Descriptif du projet

Le terme « crétin », apparaît pour la première fois dans un dictionnaire médical en 1754 et décrit « une espèce d’hommes qui naissent dans le Valais en quantité et surtout à Sion leur capitale. Ils sont sourds, muets, imbéciles, presque insensibles aux coups et portent des goitres pendants jusqu’à la ceinture ; assez bonnes gens d’ailleurs, ils sont incapables d’idées et n’ont qu’une sorte d’attrait assez violent pour les plaisirs des sens de toute espèce, et leur imbécillité les empêche d’y voir aucun crime. […]. » (D’Alembert, 1754). Dans les années qui suivent, plusieurs récits de voyageurs confirment la présence de ces individus dans différentes zones montagneuses (Gardou, Jeanne, 2015, p. 148) et décrivent leurs corps affectés d’un gros cou : le goitre. Alerté par l’existence de telles « créatures de Dieu » (Palluel Guillard, 2003), le médecin Français François-Emmanuel Fodéré entame un travail approfondi afin de « recherche[r] particulièrement quelles sont les causes de ces maladies des habitants des vallées, et quels sont les moyens physiques et moraux qu’il convient d’employer pour s’en préserver entièrement à l’avenir » (Fodéré, 1792). Dès lors et tout au long du XIXe siècle, les populations atteintes de crétinisme font l’objet de nombreuses recherches au cours desquelles les savants interrogent les origines de leurs maux afin de limiter leur propagation. Dans la tradition de la « géographie médicale » développée par le médecin militaire Jean-Christian-Marc Boudin, et portés par le mouvement hygiéniste (Bourdelais, 2001, p. 13), ces travaux, essentiellement à portée médicale, s’orientent sur le milieu dans lequel ces populations évoluent (l’environnement naturel tel que l’état des sols, des eaux, le climat, etc.) et sur leurs habitudes (l’environnement culturel comme l’alimentation ou la consanguinité).

Ce projet s’attache à analyser ces recherches et plus particulièrement à la manière dont l’environnement (entendu ici comme l’ensemble des conditions naturelles et culturelles qui entourent ces populations) est mobilisé en tant qu’élément caractéristique de cette infirmité.

La recherche se décline à partir de trois axes de réponse. Elle revient tout d’abord sur la construction de la catégorie médicale, administrative et sociale du crétin. Elle analyse ensuite la fabrique des enquêtes et études étiologiques qui ont portés les caractéristiques géographiques des régions vallonnées au cœur des hypothèses de recherche. Enfin, elle étudie les expériences menées pour prévenir, voire pour guérir de ce mal des montagnes. Pour mener à bien ce projet, deux grands types de sources sont mobilisées : les « études » entreprises par des médecins, sur des territoires souvent limités et les « enquêtes » menées ou encadrées par l’État, seule instance en capacité d’organiser des collectes de données à une échelle régionale ou nationale.
 

Contacts

Porteurs : Pauline HERVOIS         pauline.hervois@mnhn.fr
Musée de l’Homme, Bureau E205. 17 place du Trocadéro, 75016 Paris
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