Les endoparasites peuvent-ils contribuer à « détoxifier » leurs hôtes ?
Effet des métaux traces chez les parasites du pigeon des villes
Introduction
Ces dernières décennies, les activités anthropiques ont généré une forte pollution chimique. On observe par exemple une pollution aux éléments traces métalliques, qui sont des éléments présents naturellement en faible quantité dans l’environnement, mais dont la concentration peut être augmentée par certaines activités anthropiques. Les concentrations en éléments traces métalliques diffèrent donc selon le degré d’urbanisation du milieu que l’on considère. En milieu urbain, on trouve ces métaux en concentrations particulièrement élevées, qui impactent souvent négativement les organismes vivants dans ces milieux. Ces effets négatifs sur les organismes ont été beaucoup étudiés, mais on en sait peu sur l’effet de ces métaux sur les interactions écologiques, telles que le parasitisme. Néanmoins, il a été démontré que certains parasites sont capables d’accumuler les polluants dans leurs tissus, ce qui permettrait une « détoxification » de leurs hôtes. Ces parasites auraient alors un effet positif sur leurs hôtes en milieu pollué, en réduisant les taux de métaux traces dans leurs hôtes.
Ce projet vise donc à comprendre si la présence des métaux traces dans l’environnement peut impacter une interaction hôte-parasite. Nous testerons cette hypothèse chez le pigeon biset (Columba livia), très présent en milieu urbain et chez qui on observe une grande diversité de parasites. Le premier axe visera à déterminer s’il est plus avantageux pour l’hôte, en termes de valeur sélective, d’être parasité lorsqu’il vit en milieu pollué.
Descriptif du projet
Contexte
Les différentes applications industrielle, domestique, agricole, médicale et technologique ont conduit à la dispersion de métaux traces dans l’environnement avec pour conséquence des impacts potentiellement négatifs sur la santé humaine et environnementale. Certains métaux traces comme l’arsenic, le cadmium, le mercure, le chrome et le plomb sont à surveiller prioritairement du fait de leur grande toxicité à des taux d’exposition faibles. A cause de leur présence dans l’environnement, les animaux sauvages sont naturellement exposés à ces métaux traces d’origine anthropique dans leurs habitats. Cependant, le taux d’accumulation peut varier selon les espèces ; par exemple, des travaux ont démontré que dans le milieu aquatique, certains parasites intestinaux (acantocéphales, nématodes, trématodes et cestodes) de poissons sont capables d’accumuler les métaux traces de l’environnement en concentration plus importante que les tissus de leurs hôtes. En accord avec ces résultats, des études ont été menées en milieu terrestre, sur les parasites intestinaux du rat, du renard et des oiseaux de mer. Celles-ci ont démontré que ces parasites intestinaux de vertébrés terrestres accumulaient une concentration plus élevée de toxines dans leurs tissus que dans les tissus de leurs hôtes.
Objectifs
Du fait de leur capacité à absorber les toxines, les parasites pourraient aussi réduire le taux de métaux traces dans les tissus de l’hôte et impacter positivement la santé de l’hôte en jouant le rôle de « filtreurs » des métaux traces. Les polluants seraient ainsi séquestrés dans les tissus du parasite ce qui aurait pour conséquence une « détoxication » de l’hôte. En milieu pollué, les hôtes parasités seraient alors avantagés et auraient une meilleure valeur sélective (survie et reproduction) que les hôtes non parasités (hypothèse 1). Dans ce sens, le parasite aurait une action « positive » sur son hôte et l’interaction deviendrait alors du mutualisme. De plus, les parasites également exposés aux métaux traces pourraient voir leurs fonctions biologiques perturbées et seraient moins néfastes pour leurs hôtes ? (hypothèse 2). Les objectifs de ce projet sont donc de tester ces deux hypothèses originales visant à comprendre comment l’augmentation de la présence des métaux traces dans l’environnement, une composante des changements globaux, peut impacter une interaction hôte-parasite.
Approche & équipe
Nous proposons donc d’examiner ces deux hypothèses en combinant des approches expérimentales et corrélatives en utilisant le pigeon biset (Colomba livia) d’Ile de France et ses parasites (ecto- et endo parasites) comme modèle d'étude. Cette espèce, vivant en milieu urbain, est soumis à une exposition variable en termes de pollution en métaux traces. Il constitue donc un très bon modèle pour tester nos hypothèses.
Le consortium pour ce projet est composé de deux équipes :
Equipe BIOPAC au sein de l’UMR BOREA : F. Audebert apportera son expertise en parasitologie des vertébrés terrestres et aquatiques. Elle travaille sur les cycles de vie et la taxonomie des parasites nématodes, plathelminthes et cnidaires. Les bilans parasitaires des pigeons morts, récupérés de la voirie de Paris, seront réalisés dans le laboratoire de cette équipe, ainsi que l’identification et la préparation pour les dosages en métaux traces.
Equipe EPE au sein de l’UMR IEES : J. GASPARINI sera le porteur du projet, il a une forte expérience conceptuelle en écologie et évolution des animaux sauvages, particulièrement ceux évoluant en milieu urbain. Il apportera son expertise en écologie et évolution des interactions hôte-parasite et sur le modèle pigeon biset. Il utilise le modèle pigeon biset pour comprendre le rôle de cet environnement sur le fonctionnement et l’évolution des populations en milieu urbain. Pour cela, il combine des approches observationnelles et expérimentales notamment en lien avec les métaux traces. Dans ce contexte, il a déjà mené le type d’approches expérimentales proposés dans ce projet et maitrise donc toute la logistique et les procédures.
Adéquation à l'initiative IBEES
Ce projet doctoral s'inscrit pleinement dans l'étude de la dynamique de la biodiversité en lien avec les changements globaux actuels. En effet, nous examinerons comment une pollution pourrait changer la nature d'une interaction écologique (du parasitisme au mutualisme). Cette dynamique de la biodiversité (changement d'interaction) constitue en effet un angle mort d'étude de la biodiversité pour lequel nous disposons très peu d'information et nous souhaitons explorer celui-ci en combinant des approches corrélatives et expérimentales. Le projet est par nature fondamental mais explore des mécanismes qui peuvent avoir des retombées plus appliquées.
Contacts
Porteurs :
Julien Gasparini - julien.gasparini@sorbonne-universite.fr – https://iees-paris.fr/equipes/ecophysiologie-evolutive/
Fabienne Audebert - fabienne.audebert@sorbonne-universite.fr – https://borea.mnhn.fr/fr/users/fabienne-audebert
Doctorante : Aurélie Jeantet – aurelie.jeantet@sorbonne-universite.fr – https://iees-paris.fr/equipes/ecophysiologie-evolutive/
Appel à projet : AAP 2021